Comme un écho à la très belle soirée 100% Danoise que le Botanique nous avait concoctée en octobre dernier (lire la review), c’est un plateau tout Islandais que La Rotonde accueille cette fois, en ce jeudi 25 février. Premier
à entrer en scène, Helgi Hrafn Jonsson propose des compositions
pop-folk très conventionnelles, pour ne pas dire déjà entendues.
Toutefois, son timbre de voix, qui évoque parfois Thom Yorke ou encore
le Matthew Bellamy des débuts de Muse, retient davantage l’attention.
Très à l’aise dans cette formule guitare-voix, le jeune homme sert un
set à la fois décontracté et pleinement maîtrisé, recevant un retour
chaleureux de la part du public.
Au final, en une grosse demi-heure,
Helgi Hrafn Jonsson parvient à tirer son épingle du jeu, plus par
l’exécution toute en finesse et en nuances de sa musique que par sa
musique elle-même. Une agréable ouverture de soirée.
Annoncé
comme tête d’affiche légitime, Mugison se présente finalement en
second, pour des raisons inexpliquées, mais on comprendra parfaitement
pourquoi un peu plus tard…
Comme son prédécesseur, c’est seul en
scène qu’il assure sa prestation, s’accompagnant à la guitare ainsi que
d’un étrange instrument bricolé maison, sorte de clavier dont chaque
touche produit un son de guitare samplé. Comme son prédécesseur
également, c’est sa voix qui marque aussitôt les esprits. Intense,
profonde, rauque voire même éraillée parfois, quoique d’une justesse
toujours irréprochable ; une vraie voix de bluesman en somme ! Mais
toute comparaison avec Helgi Hrafn Jonsson s’arrête là, car ici, les
compositions suivent, et le bonhomme n’a pas besoin de forcer son
talent pour décrire un univers à la fois subtil et sauvage. Mugison
n’interprète pas sa musique, il l’incarne de tout son être.
Entre
deux morceaux, l’homme se rince les cordes vocales au pur malt,
plaisante sur la situation actuelle de son pays et y va de ses petites
histoires : sa première fois au Botanique (un kebab à la fraîcheur
douteuse l’avait placé dans une situation plutôt inconfortable !), son
expérience de marin lorsqu’il avait 17 ans (un univers d’hommes, la
mer, un univers d’hommes qui s’ennuient, et des hommes qui
s’ennuient…). Tout ça s’imbrique à la perfection et participe de la
construction d’un set fluide et cohérent.
Au-delà de cette maîtrise
impeccable de l’espace scène, ce qui séduit surtout c’est la grande
liberté de ton que s’autorise Mugison. Bousculant délibérément le
registre musical dans lequel il s’inscrit cependant parfaitement,
l’homme n’hésite pas à plaquer des vocaux chargés d’énergie crasse sur
des lignes de guitare pures, allant même jusqu’à pousser de ces
rugissements gutturaux que ne renieraient pas certains chanteurs de
death-metal. 45 petites minutes et puis s’en va ; et puis revient
car le public ne l’entend vraiment pas ainsi ; et puis s’en va de
nouveau, définitivement cette fois ; quoique… Une excellente prestation, remplie de chaleur et de spontanéité.
En
dehors de la nationalité, on se rendra vite compte qu’il n’y a guère de
point commun entre les deux artistes qui viennent de jouer et les 6 de
FM Belfast qui entrent en scène enfin – ou qui entrent en piste plutôt
! Si sur CD, leur électro-dancefloor séduit, certes, mais sans pour
autant déclencher les passions ; en live, les compositions,
généreusement étirées jusqu’à dépasser allégrement le double de leur
durée studio, prennent une dimension simplement extraordinaire ! Et il
faut être d’humeur passablement morose pour résister aux beats
infernaux que les 6 trublions déroulent avec un plaisir communicatif.
Bourrés
d’humour (We come from a place where we count the days until nothing
until nothing until nothing) tous tombent très vite le pantalon, à
l’exception de la chanteuse ! et assurent le spectacle en caleçon ou en
short satin style footballeur des années 70, sans toutefois quitter les
chemisettes cintrées et n½uds papillons. Le public réagit au quart de
tour, s’asseyant lorsque the sound is getting down et se remettant à
sauter les bras levés lorsque the sound is getting up ! Même Mugison,
dont la musique n’est pas à proprement parler festive, surgit des
coulisses en caleçon long et chaussettes et se joint au foutoir
joyeusement organisé par ses compatriotes, le temps de quelques titres.
Tout
à fait décomplexés, les FM Belfast s’autorisent tout et réussissent
tout avec la manière, y compris une reprise très personnelle du
cultissime Killing In The Name de Rage Against The Machine, dont les
Fuck You I Won’t Do What You Tell Me transforment la fosse en une marée
ondulante d’où émergent des dizaines de majeurs tendus vers le dôme de
La Rotonde – magique ! En une petite cinquantaine de minutes, rappel
compris, FM Belfast construit le set parfait, qui tient plus de la
performance que du simple concert. Tonique et réjouissant ! On aurait
bien pris un peu de rab’ histoire de terminer tranquillement l’hiver en
attendant le printemps.
Olivier Bodart
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