Une
soirée placée sous le double signe de l’ouverture et de la fermeture,
en ce mardi 29 décembre. Ouverture, car Golden Diskó Ship,
one-woman-band en provenance de Berlin, effectue là ses tout premiers
pas en Belgique ; et fermeture, puisque le bar qui les héberge pour
l’occasion mettra définitivement la clé sous le paillasson à la fin de
l’année 2009. Bonne nouvelle : le public a répondu présent. Les
habitués, venus faire un dernier coucou à ce haut lieu de la nuit
bruxelloise, et les amoureux des musiques actuelles, en mal de sons de
qualité en cette période de fêtes, se pressent dans une humeur bon
enfant sous le plafond tapissé d’affiches des groupes qui sont passés
ici au fil des ans. C’est à Jasmina Maschina que revient l’insigne honneur de poser les premières notes de ce début
de la fin. Ni Te Deum ni Requiem au programme, mais une pop-folk
expérimentale ultra-éthérée, nimbée d’une touche a minima
d’électro-ambient. L’Australienne émigrée à Berlin se tient assise en
bord de scène, recroquevillée sur une Gretsch antédiluvienne. Elle
tricote du bout des ongles des lignes mélodiques pures, tout en
murmurant des textes doux-amers au travers du linge qui couvre son
micro, derrière lequel elle aimerait sans doute pouvoir se cacher
davantage. Avec une sincérité palpable, elle s’efforce de transcrire en
sons son moi profond, durant une quarantaine de minutes, face à un
public pas forcément conquis mais néanmoins respectueux. On adhérera ou
pas à cet univers musical minimaliste pour ne pas dire restreint, mais
on ne pourra toutefois pas reprocher à la jeune femme de ne pas tout
mettre en ½uvre pour nous le faire partager. Si Theresa Stroetges égaie avec justesse les compositions intimistes de sa complice Jasmine,
en première partie de soirée, c’est seule en scène, en tant que Golden
Diskó Ship, qu’elle parvient à exprimer toute l’étendue de son talent.
Distillant une électro-folk fragile et délicate, elle s’accompagne à la
guitare tantôt électrique tantôt acoustique, au violon aussi parfois ;
elle gère également, en toute décontraction mais avec une orfèvre
précision, les bandes générées par un ordinateur portable et un
loop-sampler, ainsi que les visuels accompagnant sa musique. Plus
vraiment enfant mais pas tout à fait femme non plus, elle dévoile son
monde intérieur d’une voix toute douce quoique parfaitement posée ; la
candeur qui l’anime visiblement ne l’empêchant pas d’afficher une belle
assurance. Les mélodies graciles, finement ciselées, dérivent sur une
mer de sons électroniques, éclaboussés ici et là de motifs organiques,
issus d’instruments et d’objets pour le moins singuliers ; le tout
révélant un paysage musical à la fois féerique et terriblement
contemporain, où l’ombre la plus insondable et la lumière la plus
intense se jouent perpétuellement l’une de l’autre. A
l’instar de ces instantanés qui défilent en accéléré sur un drap blanc
tendu en arrière-scène (paysages champêtres ou urbains, portraits mal
cadrés, souvenirs de fêtes entre amis, de déménagement, de voyages…),
les compositions de Theresa Stroetges évoquent en toute simplicité
autant de ces petits détails du quotidien, entre bleus au c½ur et
bonheurs fugaces, transformant son set en une véritable tranche de vie. Après
avoir visité ses 2 Eps « faits maison », elle conclue sa prestation
avec Birthday, un titre des Sugarcubes qu’elle se réapproprie sans
aucun complexe et avec un naturel désarmant, allant jusqu’à faire
oublier la version originale, ce qui n’est pas rien car Björk n’est
tout de même pas la première venue et certainement pas l’interprète la
plus facile à reprendre ! Un
grand moment, que les quelques cinquante chanceux présents ce soir
salueront comme il se doit, c’est à dire par une salve
d’applaudissements nourris et amplement mérités. Le café DaDa, qui sert
ses derniers centilitres de pils aux spectateurs heureux, pourra
toujours s’enorgueillir d’avoir su sortir par la grande porte ! Et
pour tous ceux qui n’ont pas fait le déplacement, une session de
rattrapage est d’ores et déjà programmée en février prochain, avec des
dates à Lille, Metz, Bruxelles et Liège.
Olivier Bodart
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