Est-ce
l’approche des fêtes de fin d’année ? Est-ce la neige qui commence à
tomber ? Ou bien est-ce tout simplement l’affiche de ce soir qui ne
serait pas des plus attractives ? Toujours est-il que le public semble
avoir décidé de ne pas faire le déplacement, à un point tel qu’en début
de soirée les spectateurs se comptent sur les doigts de la main ou
presque. De
fait, c’est face à un parterre quasiment désert que les Lillois de DLGZ
entament leur set. Toutefois, si les conditions ressemblent assez à
celles d’une répétition avec les copains, ce n’est définitivement pas
cette direction que prend leur prestation, bien au contraire ! A l’instar du patronyme qu’ils se sont choisis, les 5 musiciens proposent des compositions déroutantes,
alambiquées, complexes, et semblent prendre un plaisir certain à
brouiller sans cesse les pistes, comme s’il fallait impérativement que
l’auditeur soit en permanence en position d’équilibre instable et ne se
sente jamais en terrain conquis. Hurry, Hit Me 3 Times ou bien 4.00 am,
véritables morceaux à tiroirs pourvus de double-fond, sont de petites
pépites qui prennent le temps de se déployer, à la faveur d’un jeu
particulièrement réussi d’allitérations de haute-voltige et de ruptures
toujours imprévisibles. A la manière de ces peintres au couteau qui
suggèrent bien plus qu’ils ne révèlent leur sujet, le quintet Lillois
induit des phrases musicales sophistiquées qui ne s’imposent jamais
totalement ; au contraire, dès qu’une ligne mélodique claire et
distincte se dégage, elle s’interrompt tout aussitôt et se mue en un
nouveau développement de notes. Pendant
une bonne quarantaine de minutes, les 5 DLGZ entraînent les tympans des
spectateurs assidus dans les méandres d’un dédale de sons
particulièrement inspirés, le tout sans velléité de démonstration mais
néanmoins avec une précision métronomique. Servis par un mixage
exceptionnel et un jeu de lumières tout en nuances, DLGZ Rock5tet
délivre un set proche de la perfection, à des kilomètres de ce que les
groupes de première partie offrent généralement. En
filigrane de ce que l’on entend, l’ombre de Tortoise se dessine parfois
et, plus largement, l’esprit neo-prog, mais la formation Française
emprunte brillamment à tellement de registres et de genres, croise avec
bonheur et réussite tant d’influences et de références, que l’on
abandonne très vite le jeu des affiliations ; après tout, les groupes
qui développent un son et un univers à la fois personnels et ambitieux
sont suffisamment rares pour ne pas les ensevelir sous le poids des
héritages. Le mieux est encore d’écouter leur excellent premier album,
New Tricks For Old Dogs, ou d’aller les voir sur scène ; nul doute que
leur son finira tôt ou tard à parler pour eux ! Après
un tel concentré de talent et d’originalité, on se dit que les
Américains de Apse auront fort à faire pour conserver leur statut de
headliner. Comme c’est de plus en plus souvent le cas aujourd’hui, les 5 musiciens installent et règlent leur
matériel eux-mêmes, lançant la prestation sans effet d’annonce,
simplement quand ils sont prêts. Cette manière de faire s’avère
généralement très efficace car, d’une part, cela n’empêche pas le
public de réagir comme il se doit dès les premières notes, et, d’autre
part, c’est une manière élégante de signaler que la musique importe
plus que ceux qui l’interprètent, posture éminemment louable en ces
temps de Moi-Je-isme. Si
globalement, le son de Apse séduit et recueille de jolies salves
d’applaudissements, il n’emporte toutefois pas une franche adhésion de
la part du public, qui semble plus passif que réellement attentif. Il
faut dire qu’à l’excellent Spirit, paru en 2007, a succédé Climb Up
cette année, opus qui voit le groupe opter pour une direction nettement
plus pop, nettement plus consensuelle aussi. Résultat : les 2 titres
prévus en rappel sur la setlist ne seront pas joués puisque de rappel
il n’y aura pas, tout simplement ! Et c’est avec des sentiments
partagés que l’on se dirige vers la sortie, après une cinquantaine de
minutes d’un set en demi-teinte. Au
final, il n’en reste pas moins que le Kreun de Kortrijk nous a une fois
de plus concocté une fort jolie soirée, dont on se souviendra plus, il
est vrai, pour sa première partie que pour sa tête d’affiche.
Olivier Bodart
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