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Emily Jane White
15/02/2009
Le Grand Mix - Tourcoing (F)

Ces cinq dernières années auront été incontestablement marquées par un retour en force de la folk, de ses lignes mélodiques pures, dépouillées de tout artifice sonore, comme une réaction à la surenchère de technologie qui semble frapper le monde des musiques actuelles, comme une tentative de rééquilibrage entre organique et électronique. Depuis CocoRosie, c’est un genre qui semble convenir à merveille à la gent féminine, car en l’espace de quelques mois seulement nous avons pu assister à l’éclosion couronnée de succès de Mariee Sioux, d’Alela Diane et de celle qui nous intéresse en l’état : Emily Jane White. Cette dernière propose probablement l’album le plus singulier, le plus immédiatement identifiable, parmi ce trio de très belles premières œuvres. Son Dark Undercoat est aussi plus sombre, plus intime, plus dense que Faces in the Rocks et The Pirate’s Gospel, Emily Jane White semblant disposer de cette petite touche personnelle qui fait que chaque mot, chaque note sonnent juste et font mouche instantanément.

Tourcoing est la troisième étape d’une tournée qui verra l’artiste originaire de San Francisco visiter une quinzaine de villes Françaises ; puis ce sera au tour de l’Allemagne pour une dizaine de dates. Ce soir, quelques 300 personnes ont fait le déplacement pour faire honneur à celle qui, mine de rien, collectionne les critiques élogieuses, pour ne pas dire dithyrambiques, dans une presse de moins en moins spécialisée, sans pour autant céder (jusqu’à présent du moins) au jeu de la sur-médiatisation.

L’entrée en scène de la jeune femme est à l’image de ses compositions : sobre et élégante, et c’est presque logiquement qu’elle entonne Bessie Smith, le morceau qui ouvre également son album.

Première surprise, la chanteuse est accompagnée, comme à l’accoutumée, d’une violoncelliste, mais elle est aussi épaulée d’un batteur et d’un second guitariste, elle-même passant alternativement de la guitare acoustique au piano. Cette formation à quatre fonctionne parfaitement, apportant beaucoup de relief à des morceaux tels Hole in the Middle ou encore Two Shots to the Head.

La deuxième surprise viendra de la setlist. Avec un seul CD d’une petite quarantaine de minutes, la crainte d’assister à une prestation particulièrement brève était grande. Mais il n’en sera rien, car si, officiellement, Emily Jane White tourne toujours en support de son premier opus paru il y a un peu moins d’un an, le concert de ce soir sera majoritairement composé de titres inédits, dont on suppose que bon nombre d’entre eux feront l’objet d’une production discographique future. D’ailleurs, assez étonnamment, Dark Undercoat ne sera pas interprété dans son intégralité. Au final, le quatuor délivrera une prestation d’une durée avoisinant les 75 minutes, ce qui est plus qu’honorable, pour ne pas dire inespéré compte tenu des circonstances.

Si on ajoute à cela un public respectueux et attentif, une sonorisation irréprochable et une mise en lumières toute en nuances, entre moirures et halos pastels, on se dit que tout est réuni pour faire de cette soirée un moment exceptionnel.

Oui mais voilà, il y a un mais ! Car, au contraire d’un Bon Iver par exemple, qui parvient à captiver son auditoire grâce à la capacité qu’il a à mettre en scène sa musique jusqu’à la transcender, grâce aussi à la puissance hors du commun qu’il développe sans jamais quitter son tabouret, Emily Jane White, quant à elle, se cantonne à une reproduction fidèle et appliquée de ce qu’elle fait en studio. Le quatuor égrène donc les titres de Dark Undercoat avec une précision et une justesse exemplaires, et glisse ici et là de très nombreux inédits, qui laissent par ailleurs augurer du meilleur pour le second album à paraître. Mais, au total, la magie n’opère pas vraiment, ou alors de façon très sporadique. Loin d’insuffler une énergie nouvelle à ses compositions ― dont la qualité intrinsèque n’est nullement remise en cause ―, Emily Jane White pose, note après note, ce qui ressemble trop aux ingrédients savamment dosés d’une recette trop souvent appliquée. De fait, le set qu’elle délivre est par trop convenu pour ne pas dire monolithique.

Les quatre musiciens sont au diapason et paraissent très à l’aise sur la scène du Grand Mix, là n’est pas le problème. Ils discutent et plaisantent entre eux entre les morceaux, ils prennent le temps d’accorder leurs instruments respectifs avec une apparente décontraction, ils s’adressent à l’ingénieur du son pour obtenir plus ou moins de retour, au technicien lumières pour modifier un éclairage… mais ces (parfois longs) interludes ne parviennent pas à briser l’impression de trop grande linéarité qui se dégage de l’ensemble, et surtout ils finissent par donner au concert des airs de répétition publique.

On se surprend ainsi à consulter sa montre en plein set, alors que nous sommes dimanche et qu’il est à peine 20h30. Et plusieurs spectateurs n’hésitent pas à se diriger discrètement vers la sortie avant même les rappels.

Une soirée en demi-teinte, donc, dont on ressort en se disant : Vivement le prochain album ! mais pas forcément : Vivement la prochaine tournée.

Olivier Bodart


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