Session
de rattrapage pour les Notwist, qui s’étaient vus contraints d’annuler
leur étape Bruxelloise de décembre dernier, Markus Acher, le
chanteur-guitariste étant alors souffrant. Petit détail qui en dit long
sur le sens de l’engagement et du respect du public qui animent les
trois Allemands : toutes les dates non-honorées durant l’automne
font en fait l’objet de ce petit périple printanier. Il ne s’agit donc
pas d’une nouvelle tournée, mais plutôt d’une série de performances
éparses, en guise de conclusion retardée au Devil, You + Me Tour. Dès
lors, aurons-nous droit au set « standard », au demeurant
particulièrement efficace, présenté en 2008 ? nous n’allons plus
tarder à le découvrir.
Fort
judicieusement intégrée au programme du Domino Festival, la prestation
des Münichois sera agrémentée non pas d’une mais de deux premières
parties. Ce
sont les Américains de Woods qui se voient chargés d’ouvrir les
festivités, devant, il faut bien le dire, une Ancienne Belgique
particulièrement clairsemée ! Lorsque les premières notes
retentissent, nous ne sommes guère plus d’une cinquantaine de
spectateurs, inégalement répartis entre le parterre, les gradins et les
deux balcons. Mais il est vrai que cette prestation programmée une
heure avant l’horaire indiqué sur les tickets et affiches a dû échapper
à plus d’un. Cela n’empêche cependant pas le trio de défendre ses
compositions folk – lo-fi avec vigueur et sincérité. Et même si
certains titres ont un air de déjà entendu, d’inachevé aussi parfois,
les Woods parviennent à bâtir, au fil de la quarantaine de minutes qui
leur est impartie, une prestation fort honnête ― une
prestation que l’on appréciera d’autant plus après coup, c’est à dire
après avoir vu et entendu l’énergumène qui leur succède sur
l’affiche ! Vient
donc le tour de celui que les flyers et le site Internet de l’AB nous
annoncent comme « un artiste particulièrement difficile à
cerner ». Allons bon ! Grampall Jookabox, aka David
Adamson, est une sorte de one-man-band, qui se voudrait bien
multi-instrumentiste, sauf qu’en fait il ne tâte guère que de la
batterie, de la basse et du chant, avec un résultat très discutable qui
plus est ― peut-être est-ce pour cette raison qu’en live il est
accompagné (doublé ?) par un second batteur ! Le reste, à
savoir une bande-son vaguement trip-hop, est assuré par des
machines ; mais celles-ci ne marchent pas toujours trop bien,
c’est vraiment dommage ! et nos deux compères se voient contraints
à moult reprises d’interrompre leur set pour sortir la caisse à
outils ― la technologie, que voulez-vous ! Sinon, à part
ça, David Adamson porte un bonnet rouge pourvu d’une petite ampoule qui
permet de le suivre du regard quand il descend dans le public pour
aller secouer tous ces spectateurs qui ne font rien qu’à parler entre
eux, les malotrus ! ― bah oui, mais en même temps, on ne
les avait pas prévenus, lesdits spectateurs, que ce soir, il y avait un
numéro de cirque au programme… David Adamson danse bien aussi, et en
rythme avec ça ! quand le baladeur CD qui assure 80% de sa
prestation n’est pas débranché du moins. Voilà ! c’est à peu près
tout ce que l’on retiendra de cette demi-heure de… (difficile de mettre
un mot sur cette chose à laquelle nous avons assisté !). En
résumé, Grampall Jookabox a certainement toutes les qualités pour
animer fêtes de village et autres spectacles estivaux itinérants, mais
pour ce qui est d’occuper dignement une enceinte aussi prestigieuse que
celle de l’Ancienne Belgique, on en reparlera dans quelques années…
Mais
dans quel état vont donc être les Notwist ? ne peut-on s’empêcher
de s’interroger avec un brin d’inquiétude. Hilares (c’était qui ce
clown ?), affligés (et pourquoi on nous a mis ce clown en première
partie ?) ou carrément déprimés (tu crois qu’on peut encore faire de la
musique après un clown pareil ? moi j’essaierai bien le trapèze
plutôt…). Mais non, ce sont 5 hommes très concentrés qui montent sur
scène, comme si de rien n’était (ils ont dû sortir prendre l’air, en
fait), afin de procéder eux-mêmes au réglage de leur matériel
respectif.
Cela
fait 20 ans maintenant que les Notwist promènent leur son si singulier
de part le monde et bâtissent une discographie suivant le rythme qui
leur convient ― il aura ainsi fallu patienter six longues
années avant de voir enfin paraître, au printemps 2008, le successeur
du sublime Neon Golden. Et si il n’y a guère de similitudes entre les
éruptions punk-hardcore des débuts et les mélodies finement ciselées
qui éclairent l’électro toute en douceur d’aujourd’hui, il y a
néanmoins un dénominateur commun à l’ensemble de leur carrière :
la sincérité artistique et l’absence de toute concession vis à vis du
music business.
Comme
en 2008, c’est le délicat Boneless qui ouvre le concert. Premier
constat : le son est exceptionnel de clarté et, surtout, la voix
de Markus Acher est particulièrement bien mixée. Pick up the Phone
vient ensuite et fait instantanément monter la pression d’un cran au
sein d’un public qui ne demande que ça pour s’enflammer tout à fait. On
remarque d’ailleurs que ce sont systématiquement les titres issus de
Neon Golden qui recueillent les faveurs de l’assistance, signe
incontestable que cet album vieux de 7 ans déjà est en train d’accéder
tout doucement au statut de classique. Il faut dire aussi que les
versions de This Room et de Pilot notamment, qui, en live, atteignent
allégrement la dizaine de minutes, permettent au groupe d’exprimer
toute l’étendue de leur talent, entre bidouillages électro-ambient et
salves de guitare abrasive. C’est aussi sur ces titres-là que leur
maîtrise de la scène transparaît de la façon la plus criante, même si
la technique ne l’emporte jamais sur le plaisir, le plaisir simple
d’être là, ensemble, et de jouer.
Si
l’on excepte le très rêche Puzzle, extrait de l’album 12, le set
principal des Allemands prend la forme d’un aller-retour incessant
entre Neon Golden et The Devil, You + Me, leurs deux derniers opus en
date. Servis par un light-show éblouissant, les Notwist délivrent une
prestation qui va crescendo, et c’est sous un véritable tonnerre
d’applaudissements et de cris largement mérités qu’ils regagnent les
coulisses après 75 minutes remarquables d’équilibre et d’intensité. Les
rappels verront le groupe apporter une touche de nouveauté par rapport
aux prestations de l’an dernier, via Chemicals et Day 7, issus du très
beau et injustement méconnu Shrink, paru en 1998. Les 6 titres
« bonus » offerts au public de l’Ancienne Belgique porteront
à 1h50 la durée totale d’une performance incandescente qui restera dans
les mémoires.
En attendant le Cactus Festival de Brugge le 12 juillet prochain ! Olivier Bodart
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