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Under Byen
11/10/2009
Le Botanique - Bruxelles (B)

Dans le domaine des musiques dites actuelles, il y a les salles qui se contentent de mettre une infrastructure et une logistique à disposition des groupes et artistes qu’elles accueillent, l’espace de quelques heures, dans le cadre de tournées parfaitement banalisées, pour ne pas dire formatées ; et puis il y a les salles qui persistent à donner du sens aux sons qu’elles hébergent en leurs murs, bref les salles qui jouent un vrai rôle de programmation. Le Botanique de Bruxelles appartient de toute évidence à cette seconde catégorie. Ainsi, c’est à une soirée 100% Danoise que L’Orangerie nous convie en ce dimanche 11 octobre, manière de clore le week-end sous le sceau de la découverte et de l’ouverture à d’autres horizons musicaux.

C’est à Mads Langer que revient le privilège d’ouvrir les festivités. Si le jeune homme jouit Mads Langerd’une jolie notoriété dans son pays, s’offrant le luxe d’une tournée nationale frôlant les 20 dates, il est ici un parfait inconnu que l’on regarde entrer en scène avec réserve et circonspection.
Blondeur soigneusement mise en valeur et minois angélique, le Danois (récemment émigré à Londres, pour raisons artistiques dit-on) entame son set guitare-voix avec un enthousiasme certain et une évidente envie de séduire. Après quelques titres, force est de constater que la musique va de pair avec l’attitude du jeune homme. L’emballage pop convenu, voire consensuel, se pare tantôt d’intonations folk, tantôt de rythmes bluesy, qui confèrent aux mélodies un petit côté plaintif mais-pas-trop. La voix, d’une justesse irréprochable, est parfaitement posée et apporte beaucoup de profondeur à des compositions qui, elles, en manquent singulièrement. Servi par un son exceptionnel de clarté et de précision, Mads Langer recueille les faveurs de plus en plus appuyées d’un auditoire sous le charme ― de la part féminine de l’auditoire tout du moins !
Malheureusement, le musicien prend trop souvent le chemin de la démonstration de ses capacités vocales, certes avérées d’un point de vue purement technique mais néanmoins assez pauvres en termes d’identité artistique. On éprouve donc la très désagréable impression de se retrouver face à un candidat d’un jeu de télé-réalité, plus désireux d’emporter l’adhésion facile et immédiate d’un jury que de proposer un vrai projet musical à un public.
Très peu convaincant, surtout au vu de la suite du programme.

Changement radical de registre avec Our Broken Garden, un projet piloté par Anna Bronsted, Our Broken Gardenex-choriste et pianiste d’Efterklang, un autre digne représentant du pays de la Carlsberg.
Ici en formation à 4, comprenant un bassiste-trafiquant de sons, un guitariste (également membre d’Under Byen), une violoncelliste et Anna, donc, au piano et au chant, le collectif profite de l’absence de batteur pour mettre l’accent sur la texture des sons plutôt que sur le rythme. Une bien judicieuse idée d’ailleurs, car les mélodies lentes, ouateuses et mélancoliques prennent un relief très particulier ainsi soulignées des vibrations du violoncelle et parsemées d’échos de guitare saturée.
C’est une musique authentique, émouvante et libérée de toute contrainte de genre, de style ou de format que le quatuor déploie avec une sincérité et un bonheur qui font plaisir à voir. Les titres sur lesquels Anna Bronsted abandonne son clavier pour s’emparer d’un Omnichord au son délicieusement désuet, sont soutenus par une boîte à rythmes et forment ainsi le contrepoint idéal avec les compositions plus éthérées, plus introspectives qui constituent le socle du set.
En une cinquantaine de minutes, Our Broken Garden construit une prestation à la fois variée et d’une grande homogénéité, et fait parcourir une distance considérable aux morceaux de l’excellent When Your Blackening Shows, jusqu’à leur conférer une dimension nouvelle.
Une très belle découverte !

Entrez elfes, trolls et autres personnages hybrides issus de la mythologie Scandinave, voici Under Byenvenu Under Byen (merci de prononcer Oh’ Nah-Boon). En plus d’un arsenal d’instruments, allant de marimbas bricolés maison aux générateurs de sons les plus sophistiqués, le collectif n’oublie jamais d’emporter avec lui son univers très personnel, à la fois étrange, féerique et un peu inquiétant, sorte de croisement entre l’imaginaire de Tim Burton, J.R.R. Tolkien et Terry Gilliam.
L’annonce de ce concert a surpris tout le monde, car on savait la formation en plein enregistrement du successeur de Samme Stof Som Stof Right paru en 2006, et on pensait en toute logique qu’il ne fallait pas espérer d’apparition sur scène avant le printemps 2010 au plus tôt. Mais c’était sans compter sur l’envie d’échapper temporairement au studio et de se retrouver face à un public qui a pris soudain l’octet venu du froid. Henriette Sennenvaldt et les siens se sont donc embarqués pour un tout petit périple de 5 jours à travers le plat pays ― heureux Belges ! ― dont Bruxelles est, comme il se doit, la date de clôture.
Tout ici est originalité, à commencer par l’agencement de la scène, avec Morten Svenstrup, le violoncelliste, en front de scène au centre, la chanteuse dans le fond aux côtés de la bassiste et un dispositif de percussions impressionnant, composé de 2 batteurs, sur la partie latérale droite. Amateurs de mélodies accrocheuses dès la première écoute et de structures binaires formatées couplet-refrain-couplet-break-couplet-refrain, mieux vaut passer votre chemin. En revanche, ceux qui apprécient les expérimentations et qui n’éprouvent aucune réticence à explorer des terrains peu voire pas fréquentés, n’hésitez pas à pénétrer l’univers d’Under Byen, vous ne serez pas déçus ! Forts de cette singularité parfaitement assumée, les 8 musiciens vous entraîneront dans une odyssée inoubliable, au confluent du free-jazz, de la musique contemporaine et du rock alternatif le plus âpre. En plus de ça, pas prise de tête pour un sou, ils vous accueilleront à bras ouverts et vous vous sentirez comme chez vous en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire !
Les compositions d’Under Byen se nourrissent autant qu’elles se jouent des ruptures ; rupture de tempo, rupture de style ; comme s’il fallait en permanence se situer dans l’autre, dans l’ailleurs, entre indéfinissable et insaisissable. Certes, la voix d’Henriette Sennenvaldt évoque parfois Jennifer Charles sur certaines intonations ou encore Björk pour le timbre, mais cette petite balise dans le champ musical de référence relève finalement plus de l’anecdote qu’autre chose. Pour le reste, c’est : lâché de manche, tourbillon looping, à l’Ouest toute et qui vivra verra ― ou qui écoutera comprendra, plutôt !
Malheureusement, comme c’est souvent le cas lorsqu’on se trouve en si bonne compagnie, le temps passe beaucoup trop vite et la toute petite heure partagée avec les quelques 250 à 300 spectateurs présents à L’Orangerie a un goût de trop peu !
Une soirée mémorable, et un groupe qu’on espère voir se produire de nouveau dans un futur très proche !

Olivier Bodart


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