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Mew
01/11/2009
Le Botanique - Bruxelles (B)

Comme son nom ne l’indique pas, Mew est une formation originaire du Danemark, qui compte 3 albums à son actif, dont le fameux And The Glass Handed Kites paru en 2005, ainsi qu’une flopée de singles. En une petite dizaine d’années d’existence, les 3 musiciens se sont élevés au rang de véritables stars dans leur pays, remplissant des salles de type Zénith. En revanche, ils ne jouissent pas de la même popularité dans nos contrées, de loin s’en faut. Le soutien appuyé d’un certain Trent Reznor, qui leur a offert d’ouvrir sur de très nombreuses dates de la récente tournée de Nine Inch Nails, semble avoir quelque peu porté ses fruits. Profitant de cette visibilité toute récente et de la publication de No More Stories Are Told Today… à la rentrée, Mew s’est donc embarqué pour sa première véritable tournée Européenne en tête d’affiche.

Difficilement classable sous les étiquettes standards, le trio développe un son très personnel, entre pop et rock atmosphérique, composé de lignes vocales pures rappelant un peu Sigur Ros, de mélodies plutôt catchy quoique très finement ciselées et d’harmonies aériennes d’une grande subtilité, le tout évoquant assez largement le monde de l’enfance. Il faut bien le reconnaître, certains titres flirtent dangereusement avec les limites d’une pop consensuelle ; mais le groupe a toujours eu, jusqu’alors, l’intelligence de rester du bon côté de cette barrière qui sépare la musique de l’industrie. Qu’en est-il donc en live ? Nous n’allons plus tarder à le savoir.

En attendant, ce sont les Stasbourgeois d’Electric Electric qui sont chargés d’ouvrir les Electric Electricfestivités. Les Danois ne leur ont laissé qu’un espace très restreint pour s’exprimer, mais qu’à cela ne tienne, les 3 hommes sont installés côte à côte en front de scène, le batteur au centre, le guitariste-claviériste à gauche et le bidouilleur de sons à gauche, et cela ne les empêche nullement de faire cracher les amplis, même s’ils n’ont quasiment pas la place de bouger. Le moins que l’on puisse dire c’est que leur rock à la fois complexe et ultra-énergique ne semble pas passionner le public ; dommage, car le trio délivre là une prestation de fort belle facture ; mais il semblerait que le fan de Mew soit peu enclin à écouter autre chose que… Mew ! et les groupies du premier rang font même montre d’un dédain affiché, à la limite de l’irrespect. 

Musicalement parlant, le trio oscille entre un math-rock fougueux sur les titres instrumentaux et un rock à tendance expérimentale lorsque les vocaux font leur apparition. Le batteur semble être né avec des baguettes dans les mains, car il maîtrise son instrument avec une aisance et une inventivité rares, plaçant ici et là de ces petites astuces techniques qui marquent la différence entre les instrumentistes et les musiciens ; lui, appartient de toute évidence à la seconde catégorie. Le guitariste, également aux commandes d’un loop-sampler utilisé à bon escient, superpose des nappes saturées à la Gibson SG et construit ainsi un effet pluriphonique particulièrement réussi, l’ensemble se mariant à la perfection avec les sons générés par ordinateur. Les oreilles les plus critiques noteront une légère inégalité au niveau des compositions ; mais le set délivré en une trentaine de minutes n’en demeure pas moins d’un niveau très nettement supérieur à ce qu’il nous est généralement donné à voir et à entendre lors de premières parties improvisées au pied levé, comme c’est le cas ici. Un groupe à suivre de très près donc !

Voici maintenant venus ceux que tout le monde attend. En live, le trio se transforme en quintet, Mewet une chose est sûre : les 5 garçons ne sont pas venus les mains vides ! L’installation dont le groupe dispose est impressionnante, à tel point que la scène de L’Orangerie, pourtant vaste, ressemble à un vulgaire podium de fête d’école sur lequel on voudrait faire jouer un orchestre symphonique. Un gigantesque écran blanc est tendu en fond de scène, devant lequel sont placées deux estrades, l’une pour le bassiste, l’autre pour le claviériste, encadrées par deux écrans vidéo supplémentaires, translucides ceux-là. Le kit batterie, taille XXL, est disposé sur l’avancée gauche, si bien que Silas Utke Graae Jorgensen joue de profil au public. La partie droite est elle réservée à Bo Madsen, le guitariste, qui ne se déplace jamais sans ses 3 amplis ! Heureusement que Mew ne compte pas davantage de musiciens, parce qu’au-delà c’est dans la salle qu’il faudrait les faire jouer, avec le public sur la scène ! Les mauvaises langues diront que cela ne poserait sans doute pas de difficultés insurmontables, étant donné que le concert est très loin d’afficher complet, mais passons… 

Ainsi que le dispositif le laisse présager, l’entrée en scène est très travaillée, à la limite du théâtral, le guitariste prenant ses marques le premier, suivi par le claviériste et le batteur qui posent à tour de rôle leur touche sur l’introduction lancée, à grands renforts d’images de synthèse. Mais au moment d’entamer le premier véritable titre, patatras ! on s’aperçoit que les moniteurs intra-auriculaires du chanteur ne sont pas prêts. Branle-bas de combat au sein de l’armée de roadies qui courent partout pour s’en aller quérir les précieuses oreillettes, avec pour conséquence un gros blanc que le guitariste s’efforce de combler comme il peut, à coup de « Salut Bruxelles, ça va ? Euh, on est déjà venus ici, vous étiez là ? Bon…» Regard effaré du claviériste, qui voit un roadie passer derrière lui tête baissée, une petite boîte contre sa poitrine, tel un rugbyman s’en allant planter un essai ; puis coup d’½il au guitariste, qui continue de meubler, au batteur, qui regarde derrière lui, en direction du stage manager qui est occupé à démêler les fils (sont même pas foutus de ranger le matos correctement, ah j’te jure…), et enfin au chanteur, qui attend patiemment que les fils soient démêlés. 

Bref, la partie s’engage bien mal ! Mais c’est sans compter sur le grand professionnalisme dont font preuve les 5 Mew. Loin de s’émouvoir du couac qui vient de se produire, Jonas Bjerre s’en vient prendre sa place devant le micro avec beaucoup de décontraction malgré ses deux bonnes minutes de retard. Le bassiste étant également à son poste, le concert peut vraiment démarrer cette fois, comme si rien (ou presque) ne s’était passé, via une incursion logique dans le répertoire du dernier album en date.

Disons-le d’emblée, cette prestation paraît instantanément très anachronique dans un tel lieu, plus habitué à recevoir des concerts de musique actuelle que des spectacles formatés Live Nation. Le babillage incessant de jeunes filles énamourées (qu’est-ce qu’il est beau, le chanteur, non ? oh si, moi c’est mon préféré !) et surtout les hurlements de bête sauvage que poussent les fans des premiers rangs dès qu’un musicien remue le petit doigt, obligent l’ingénieur du son à monter le volume jusqu’à des niveaux qui ne permettent plus de travailler dans la nuance, ce que l’univers du groupe requiert pourtant. Sur certains passages, toute la finesse de mélodies volontiers oniriques se noie complètement dans une véritable bouillie de décibels, si bien que des titres tels Apocalypso ou The Zookeeper’s Boy perdent toute la magie qu’elles ont sur CD.

Les éclairages, essentiellement travaillés sur les visages des musiciens, sont très réussis, de même que les animations vidéo, qui se marient très bien avec le son développé. Mais, au final, c’est une impression de sur-représentation qui prédomine.

Sans parler de gâchis consommé, on notera tout de même que les 5 Mew étaient infiniment plus efficaces en première partie de Nine Inch Nails l’été dernier, face à un public qui ne leur était pas acquis par avance, loin de là, et sans tout cet arsenal d’effets qui semble en définitive les freiner considérablement dans l’expression de leur talent. Par ailleurs, à la lumière de la prestation donnée ce soir, on est bien obligé de se demander si le groupe n’est pas en train de passer du mauvais côté de la barrière évoquée en introduction. Dommage !

Olivier Bodart


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