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LES INTERVIEWS

02/042005 : STAFRAENN HÁKON
Rhâââ Lovely Festival - Cortil Wodon (B)
Interview réalisée par François GUSTIN et Nicole LAPASIN

Stafraenn Hákon veut dire Digital Hákon, n’est-ce pas ? Et Hákon le bon était roi de Norvège au 10ème siècle. Pourquoi un tel nom ?

C’est une longue histoire. En fait, Stafraenn Hákon était un gars de mon quartier quand j’étais petit. C’était un tyran, pas vraiment méchant, mais bizarre, il ennuyait tous les gosses. On jouait à un jeu de cartes islandais, un jeu avec des noms. Quand un nom sort dans ce jeu, il faut lui trouver une description. Apparemment, le nom Stafraenn Hákon vient de là. On s’est marré comme des fous pendant des heures et j’en ai fait mon nom d’artiste, sans savoir que je serai en Belgique en 2005.

C’était quand ?

Oh, vers 1998… Il y a longtemps en tout cas.

C’est l’époque à laquelle tu as commencé à faire de la musique seul dans ta cave ?

Oui. En fait j’étais dans un groupe avec deux amis d’école. On a commencé à jouer vers 1997. Ensuite, le groupe a splitté et j’ai continué seul. J’avais un 4 pistes cassette et j’ai commencé à enregistrer des boucles de guitares et… c’est devenu Stafraenn Hákon.

Les gens en Belgique et en Europe ont tendance à considérer le fait de vivre en Islande comme quelque chose de vraiment particulier. Est-ce plutôt positif ou doit-on y voir une part de malédiction ?

En fait, j’habite au Danemark. Je suis islandais, bien sûr, mais… En Islande, on a toujours ce sentiment de claustrophobie, d’isolement. C’est une petite île, on ne peut pas s’en échapper sans prendre l’avion ou le bateau. En ce qui me concerne, ça faisait longtemps que j’avais envie de m’en aller. C’est pour ça que j’habite au Danemark maintenant, je voulais voir de nouvelles choses. Je pense que tous les islandais ressentent l’envie de s’enfuir de cette île au moins une ou deux fois par an.

Comment ça se passe en dehors de Reykjavik ? Je suppose que c’est la que tout se passe, en tout cas en ce qui concerne la musique. C’est de là que tu viens non ?

Je vivais dans les faubourgs de Reykjavik. Là-bas, les musiciens sont vraiment très motivés. Cependant, beaucoup de très bons groupes se séparent parce qu’ils n’ont pas l’occasion de faire des tournées à l’étranger. Quand on arrive à un certain niveau en Islande, on stagne et on ne peut pas vraiment décoller. On se dit : « merde, c’est bon, je laisse tomber » et c’est frustrant. Ça arrive à beaucoup de groupe, aussi parce qu’ils n’arrivent pas à signer avec une maison de disque. C’est dommage.

Vu d’ici, on a l’impression que les groupes islandais qui se produisent à l’étranger comme Sigur Rós, Mùm ou Mugison forment une sorte de grande famille ? Qu’en est-il réellement ?

Je ne sais pas, c’est une question difficile. Je ne les connais pas vraiment. Récemment, j’ai rencontré le chanteur de Sigur Rós, mais, je ne les connais pas. C’est aussi dû au fait que je ne vis plus là-bas depuis trois ans. J’ai rencontré Mugison la semaine dernière, on jouait à un festival, c’est vraiment quelqu’un de bien. Je pense que la plupart des autres doivent vivre à l’étranger aussi.

Est-ce vraiment le seul moyen de se faire connaître en dehors d’Islande ?

Oui, certainement. C’est ce qui arrive à des groupes comme Mùm ou Björk, bien évidemment. En Islande, la musique est très variée, il n’y a pas vraiment de groupes qui font la même musique. Mùm est sans doute le seul groupe à faire ce type de musique, même chose pour Sigur Rós.

Oui mais il y a toujours cette touche islandaise particulière, non ?

C’est difficile à dire pour moi. Étant islandais, je ne peux pas vraiment le ressentir, tu vois ? C’est difficile de faire la différence.

Tu as sorti deux albums en 2004, quels sont tes projets pour 2005 ?

Un greatest hits peut-être ! (rires). Pourquoi pas, comme Phil Collins ! Non, en fait, je ne sais pas vraiment. J’ai fait une pause après Ventill Poki. On a fait une tournée au Royaume-Uni. Après ça, j’ai en quelque sorte effacé ma mémoire musicale. Je ressens le besoin de faire quelque chose de différent. Ça fait un certain temps que je fais la même chose, donc je pense qu’il est temps de retourner à la case départ afin de voir ce que je veux vraiment faire musicalement. Pour l’instant je bosse sur un nouvel album, j’écris de nouvelles chansons. Je veux faire quelque chose de différent.

Sur ton site on peut vraiment se rendre compte à quel point la musique que tu écoutes t’influence. Il y a une sélection d’albums par saison. Est-ce que le type de musique que tu écoutes change vraiment avec les saisons ?

Pour l’instant, il n’y a sur le site que certains groupes que j’ai écouté ces derniers mois. Euh… je suis un grand fan d’internet (rire un peu gêné) et de l’échange de fichiers. Je télécharge tout. J’ai pas d’argent pour m’acheter tous ces disques, alors j’utilise internet pour découvrir de nouveaux groupes.

Qu’est-ce que tu as découvert récemment ?

J’ai écouté beaucoup de musique électronique, notamment Cathod et Pup. C’est un genre de trance bizarre, mais c’est vraiment bon. Sinon, j’ai toujours été un grand fan de Sebadoh, Lou Barlow et compagnie… Mais mon groupe préféré c’est Teenage Fanclub. Si j’ai envie d’écouter de la pop, je mets un disque de Teenage Fanclub (rires).

Comment c’était quand tu as joué en première partie de Godspeed You! Black Emperor à Reykjavik ?

C’était probablement un des pires concerts que l’on ait fait. On était vraiment mauvais à l’époque. On a beaucoup évolué en live au fil du temps. Maintenant ça va beaucoup mieux. Jouer seul, c’est différent. Parfois j’ai l’impression de faire un karaoké, juste avec mon laptop et ma guitare. La tournée qu’on a fait en groupe au Royaume-Uni était beaucoup plus dynamique. Avec un batteur, un bassiste et un claviériste, c’était plus du vrai live. En ce qui concerne Godspeed, c’était bien de jouer avec eux…

Comment est-ce que tu passes le temps en tournée ? Tu as l’occasion de te balader, de visiter les endroits dans lesquels tu te rends ?

En fait, on a jamais fait qu’une tournée et on avait pas vraiment le temps de faire quoi que ce soit. Avec le guitariste de notre groupe, qui s’appelle Samuel Wright et qui coécrit certain des morceaux sur mon album, on conduisait le van. On était vraiment crevés. On avait même pas l’occasion de boire deux trois bières (rires).

Même pas ça ? Et aujourd’hui ?

J’ai le temps (rires) (NDLR : Oli a l’air de beaucoup apprécier la troublette !).

Est-ce que tu as des groupes islandais à nous recommander ?

Oui, il y a un gars sur mon label, Resonant, ça s’appelle Ampup Ampop, il sort un album qui s’appelle Blindfold. C’est vraiment bien. J’ai collaboré avec lui sur certains morceaux. Ça fait trois ans que j’adore sa musique. C’est un véritable perfectionniste et ça fait trois ans qu’il bosse sur cet album. Il sort enfin, ça me fait vraiment plaisir. Sinon, un de mes amis a un projet ambient qui s’appelle Laurus. Ça ressemble à du Brian Eno, beaucoup de guitare. C’est très chouette. À part ça, il semble que la scène métal bouge pas mal en Islande pour l’instant.

Ah bon, vraiment ?

Oui oui, il y a une scène métal assez forte. Certains groupes ont même des influences punk… Sinon, Mugison a sorti un très bon album, j’aime beaucoup. Je suis aussi assez curieux de voir ce que Sigur Rós va sortir comme prochain album.

Qu’est ce que tu penses de ce festival ? Indépendant, pas cher, des groupes de qualité… Connais-tu certains des groupes avec qui tu partages la scène aujourd’hui ? Si oui, quels sont ceux que tu préfères ?

Je pense que ce festival est vraiment très bien. Il fait beau et l’endroit, c’est vraiment quelque chose. Ça fait plaisir d’être à la campagne. En ce qui concerne les groupes, je connaissais à peu près la moitié des noms. Apparemment il y a des groupes qui n’ont pas encore de label qui jouent ici pour la première fois, comme moi par exemple. J’ai découvert de nouveaux groupes, notamment le premier qui a joué (NDLR : Loobke). Tous les groupes que j’ai vu jusqu’à maintenant sont vraiment bons. Je connaissais déjà Hood. J’ai tous leurs vieux albums. Je connaissais aussi Matt Elliott, mais sous le pseudo de Third Eye Foundation. Je ne l’ai encore jamais vu en solo, j’attends ça avec impatience. Je les ai rencontré tout à l’heure. C’est chouette de venir ici et de rencontrer plein de nouvelles personnes, ça change. C’est bien que je sois venu tout seul, autrement je serais sans doute resté dans mon coin avec des islandais à boire de la bière (rires).

'I astandi rjupunnar' (2004)

> lien officiel
www.shakon.com

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