Le
"Nothing To Sell" tour, leur récente mini tournée bruxelloise,
aura fait passer NAIFU dans quatre salles, dans des conditions et devant
autant de publics très différents. A l’issue de ces quelques
dates, étalées sur les mois d’octobre et novembre 2004, quelques
questions furent envoyées au groupe pour essayer d’en savoir un tout
petit peu plus sur lui. En voici l’humble résultat, que nous
avons essayé d’illustrer adéquatement.
Pourquoi
ce nom NAIFU : est ce à cause de la sonorité du mot ou bien de l'image
de l'objet auquel il renvoie ?
Raphaël
(Rastelli) :
A cause de l'idée
d'acculturation auquel il renvoie. Il s'agit d'un mot japonais issu
d'un mot anglais (knife), réécrit en caractère latin (méthode kana
japonaise) et utilisé par un groupe belge - pays où vivent
essentiellement des francophones et néerlandophones - et, en conséquence,
prononcé un peu n'importe comment par n'importe qui. Il n'y a pas
ici la dictature d'une prononciation correcte anglaise comme certains présentateurs
radio essaient vainement de le faire. On reste tous un peu plus
humble et, en même temps libéré, devant un mot dont on ne connaît à
priori ni la signification, ni la bonne prononciation, même si, au fond,
ça ne paraît pas - et n'est pas - compliqué. Aussi, le couteau
est un ustensile tellement banal et essentiel : quel être humain n'a pas
au moins un couteau ou quelque chose de similaire ? C'est vraiment
le premier outil que n'importe qui emporterait sur une île déserte.
Il est quasi indispensable à la survie de l'homme et, parallèlement, il
peut servir à tuer. Un tel double sens (double tranchant !) ne
pouvait que nous séduire : musicalement les choses sont plus
complexes/violentes que leur apparente simplicité/douceur ... à moins
que ce ne soit l'inverse.
Quelle
influence la culture asiatique (japonaise en particulier) exerce-t-elle
sur NAIFU ?
Raphaël (Rastelli) :
On aime bien le
Japon. Avec les USA et l'Europe, c'est le troisième monde à
la pointe du développement et, en même temps, le plus différent des
deux autres. C'est un pays fascinant et perçu de manière très
caricaturale chez nous, c'est pourtant un excellent contre-pied à la
culture anglo-saxonne : même dans un manga basique, il est difficile de
dire qui est le "bon" et qui est le "méchant", en
fait, le "bon" a toujours une part de "méchant" et
vice-versa. Cette absence de manichéisme, ce côté flou et
relativiste des valeurs est très rafraîchissant et nous correspond bien.
Par ailleurs, ce n'est pas pour cela qu'on adhère aveuglément à
l'aspect profondément fataliste et conformiste que peut avoir la société
japonaise (proverbe : "le clou qui dépasse appelle le coup de
marteau").
Sur
votre première démo, il y a ce titre "Kuro Wa Hito Ni Tsukimono"
avec une intervention téléphonique finale en japonais par une voix féminine.
Quelles en sont les signification et origine et parles-tu
(Dominique) toi-même le Japonais ?
Raphaël (Rastelli) :
En parlant de
fatalisme japonais, c'est un proverbe qui signifie "la douleur est la
compagne de l'homme". Ca nous rappelle notre fragilité et
l'illusion du bonheur obligé, qui semble une valeur tellement mise en
avant dans la culture occidentale moderne, l'obligatoire "happy
end" du cinéma et de la publicité. Ici, si tu as de la peine
tu es un loser, au Japon, tu sais que la peine fera inévitablement partie
de ta vie.
De
quoi est fait le monde de NAIFU et de quoi traitent vos chansons en général
? Les paroles semblent en être très décalées !
Dominique
(Vancap) :
Des titres
comme "The Pony" et "At Least, Buy Me A
Hamster" évoquent des souvenirs d'enfance, les petites lâchetés
des adultes, le manque d'affection que l'on cherche à combler en
achetant des animaux de compagnie. Un autre thème, c'est la
violence conjugale. "You Are So Full Of Hate,
Love" parle des sentiments extrêmes d'un couple, des moments
fusionnels aux passages à tabac. Mais je te rassure tout de
suite, même si ce thème est récurent (cfr "Violet"),
il n'est absolument pas autobiographique. Par contre, je
m'identifie pleinement au personnage de "The Butterfly
Collection" : si je devais apprendre que la personne que
j'aime a un penchant pour la taxidermie, je ne pourrais m'empêcher
de ressentir une grande méfiance à son égard ! Quant aux
paroles décalées, j'ai du mal à donner une réponse objective.
J'essaye juste d'éviter les clichés du genre "baby you look
allright, I wanna shag you all night". |
naifu@Le
Gué (27/02/2004)
© Thomas Bartosik - www.rarefish.be |
Raphaël
est l'unique guitariste du groupe : est-ce une nécessité, un choix ?
Raphaël (Rastelli) :
Dans tous les
groupes dans lesquels j'ai joué auparavant, il y avait deux guitaristes.
Ca m'a toujours semblé naturel et puis, en commençant naifu, on s'est
vite rendu compte que l'alchimie à quatre était parfaite.
Humainement et musicalement, il n'était pas nécessaire de chercher plus
loin et de se compliquer la vie. Ca m'oblige à assurer plus au lieu
de me reposer sur un deuxième guitariste mais c'est aussi plus facile
pour laisser une place naturelle à chacun(e) : la basse est ainsi plus
libre pour développer un espace mélodique propre par exemple.
Comment
vous partagez-vous la composition des titres : Raphaël fait toute la
musique et Dominique les paroles, et quelle est la part de la section
rythmique ?
Raphaël (Rastelli) :
En fait, c'est un
peu plus compliqué. A la base, j'apporte mes parties de guitare et
une idée générale de comment je vois évoluer le morceau.
Ensuite, sur ce canevas, chacune apporte sa partie et la structure finale
est mise au point ensemble en tenant compte du chant. A tous les
stades, y compris dans l'acceptation de ce que j'apporte au départ, tout
le monde a son mot à dire et "droit de veto" sur ce que chacun
fait. Il n'est pas non plus écrit que, de manière immuable, c'est
moi qui doive apporter la base des morceaux, mais bon, jusqu'ici, elles me
laissent faire.
La
pochette de votre deuxième démo est une oeuvre percutante (intitulée
… "Drama sangriento en la plazuela de Tarasquillo. Asesinato
de la Malaguena") de JOSE GUADALUPE POSADA (lithographe mexicain,
1851 - 1913). Qu'est-ce qui vous inspire chez lui et quelle est la
connection avec NAIFU ?
Raphaël
(Rastelli) :
©
naifu - http://naifu.free.fr |
Il
n'y a pas de connection particulière. C'est toutefois un
artiste attachant car simple illustrateur plus ou moins engagé
politiquement. Son oeuvre n'est que le fruit de la commande
(de journaux principalement) et de l'actualité, pas d'une
recherche d'un "statut" d'artiste avec un grand A.
L'illustration qu'on a utilisée pour la pochette est d'ailleurs
celle d'un fait divers de l'époque (fin XIXe siècle).
C'est une image intrigante parce qu'on y voit un acte très
violent (une femme en abat une autre d'un coup de pistolet à bout
portant) qui implique deux femmes ... et pas des hommes auxquels
ce genre de scène est plus normalement associée. En plus,
une certaine élégance féminine s'en dégage : les vêtements,
le maintien de celle qui tire et de celle qui tombe ... Le
cliché de l'idéal féminin de douceur, chaleur, soumission,
passivité ... mis brutalement en porte-à-faux dans un acte
violent et froid. C'est à ce niveau que cette image est la
plus percutante, pas tellement dans le meurtre lui-même. |
NAIFU
semble aimer les insectes (cfr les titres "Three Ladybirds And A Big
Cockroach", "The Butterfly Collection") et les animaux (cfr
les titres "At Least Buy Me A Hamster", "The Pony") ?
Dominique
(Vancap) :
Comme je l'ai
expliqué précédemment, les animaux sont de grands amis d'enfance,
surtout les poneys et les cochons d'Inde !
Votre
bio cite les influences (on imagine revendiquées) des PIXIES, BLONDE
REDHEAD ou même de groupes plus durs comme NEUROSIS, FUGAZI et THE TRAIL
OF DEAD. Sont-ils des groupes que vous écoutez tous et quelles sont
vos autres sources d'intérêts musicales ?
Raphaël
(Rastelli) :
A vrai dire, si on cite des références musicales c'est parce qu'il faut
bien donner une idée à ceux qui ne nous ont pas entendus mais, en fait,
on essaie plutôt de se distancier dans les compos de nos propres références.
Maintenant, dans le groupe, je ne suis même pas certain que
chacun(e) sache vraiment ce que les autres aiment musicalement et c'est
encore mieux ainsi. Personne ne vient avec une idée préconçue de
comment on devrait sonner. C'est une pure question d'instinct
"j'aime/j'aime pas", même si cet instinct est probablement le
fruit de nos cultures musicales respectives. En tout cas, on ne
cherche pas trop à l'analyser.
NAIFU
semble en fait s'écrire en minuscules (naifu) : est-ce une question
d'humilité et/ou est-ce dû à l'origine asiatique du mot ?
Raphaël (Rastelli) :
C'est lié à la signification du mot : un simple couteau, pas Excalibur.
Et puis, graphiquement, c'est plus joli.
Il
y a eu récemment cette mini-tournée de quatre dates bruxelloises,
le "Nothing To Sell" tour. De quoi sera constitué la
suite au niveau des concerts ?
Dominique
(Vancap) :
Le
26/02/2005, nous jouerons dans le cadre d'une soirée Rarefish,
le collectif dont nous faisons partie, sur la Péniche Fulmar, avec nos
consoeurs de SLEEPY LILI, SIMPLESONGS
(un singer-songwriter anversois d'une intensité incroyable) et DAVID
SMITH VOLTRI (le projet solo de Thomas Bartosik, le
fondateur de Rarefish). Nous participerons également à
l'affiche Undercurrent à Anvers le 11/03/2005 (lieu et affiche à préciser,
voir www.undercurrent.be pour plus de précisions).
Vous
avez actuellement assez de matière pour constituer un album complet :
qu'en est-il de votre recherche de label pour en sortir un premier ?
Raphaël (Rastelli) :
On
a commencé à démarcher vers quelques labels mais ce ne sont que des premiers
contacts, alors on préfère ne pas en parler pour le moment. Si un label
est intéressé, il est invité à nous contacter.
Cette
interview, réalisée par e-mail, a été finalisée le 07/12/2004.
Merci à Dominique, Raphaël et NAIFU !
"Three
Ladybirds And A Big Cockroach" (Juillet 2003) et "A Bit Of A
Naughty Pony" (été 2004) sont ces deux très belles et premières démos
(hors-commerce), de quatre titres chacune, réalisées et enregistrées
par NAIFU au studio Dame Blanche (Bruxelles). Le groupe nous y dévoile
un excellent aperçu de son univers et surtout, une très bonne idée de
la manière dont devrait pouvoir sonner leur tout premier album qui,
croisons les doigts, verra le jour très vite. Ce qui frappe de
prime abord à l’écoute, c’est la grande qualité de l’ensemble :
les compositions sont très homogènes et construites de façon à bien
faire ressortir chaque instrument et la voix de
manière égale. Sur certains titres, la guitare de Raphaël
Rastelli prend même des allures presque "grunge", l’intensité
de la musique étant tempérée par la voix mélodieuse et parfois
faussement douceâtre de Dominique Van Cappellen. Notons également
la présence d’un violon, joué par la batteuse Cécile Gonay, aux
lignes mélodiques imparables (ainsi sur le très puissant "At Least,
Buy Me A Hamster" qui ouvre la seconde plaque). Le tout est
vraiment très présentable et doit pouvoir attirer sans peine
l’attention des professionnels intéressés et avisés. Let’s
rock !!!
"Three
Ladybirds And A Big Cockroach" (2003)
"A Bit Of A Naughty Pony" (2004) - Autoproduits @ Dame Blanche
(Bruxelles)
Des adresses :
naifu : http://naifu.free.fr
RareFish : http://www.rarefish.be
Undercurrent : http://www.undercurrent.be
Péniche Fulmar : 22, Quai aux Péniches, 1000 Bruxelles
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