C'est
à Cortil-Wodon, en pleine campagne namuroise, que nous rencontrons la
moitié du contingent du groupe texan Explosions in the sky. Après s'être
frayé un chemin à travers l'espace backstage plus que bien rempli ce
jour-là (dans tous les sens du terme), et avoir expliqué le concept de
l'interview à Chris et Munaf, respectivement batteur et guitariste au
sein du quartet, ces derniers lancent gaiement la partie :
CHRIS : Ca y est, je peux commencer ? C'est bon ? OK. Monsieur
Rayani, j'ai une question pour vous… Allo, allo ? Ca marche ? Allo ?
Oui. Munaf ! Sais-tu dire quelques mots en français ?
MUNAF : Oh ! Comment allez-vous ? Je ne parle pas français. Merci.
(rires)
Dr. Hrasky ! Le groupe a déjà tourné en Europe et a fait quelques
festivals en Belgique, le festival De Nachten à Anvers et aujourd'hui le
Rhâââlovely. Que pensez-vous des festivals en Belgique ?
CHRIS : Euh… On en a fait deux jusqu'à présent, c'est mentionné
dans la question. Je dirais que des deux, je préfère sans aucun doute
celui-ci, juste parce que celui à Anvers était un peu plus… Je ne
trouve pas le mot… Ca faisait plus bizness…
MUNAF : Ouais, très robotique…
CHRIS : Ouais… C'était vraiment grand, étrange. C'était plus :
rester assis à ne rien faire avec des gens, papoter, prendre le dîner…
C'était assez froid, enfin, c'était vraiment marrant mais on préfère
de loin jouer dans des festivals comme aujourd'hui. On préfère ce genre
de cadre en général…
MUNAF : Vous allez aussi jouer au Botanique en mai et à Dour cet
été, qu'est-ce que vous pensez de ce genre de grands festivals où
beaucoup de groupes se succèdent en peu de temps et où on rencontre
beaucoup de styles très différents.
CHRIS : Je ne sais pas, en fait, on va en faire quelques-uns cet été,
vraiment énormes, avec plein de groupes sur plusieurs jours… On a
jamais vraiment jouer dans des trucs aussi gros, donc ce sera le test je
suppose, je sais pas, on a de toutes façons envie de faire le plus d'expériences
possibles. On espère que ça se passera bien pour nous, on ne peut pas
vraiment dire… Alors… Euh, je lui demande maintenant ? Ok, voyons
voir… Munaf, quels sont tes passe-temps favoris pendant la tournée ?
MUNAF : Hé ! Tu les poses pas dans l'ordre mon vieux !
CHRIS : Quoi ? Regardes, c'est marqué là, choisis une question
dans la liste. On n'est pas obligé de les faire dans l'ordre !
MUNAF : Ah, ok… Et bien, on lit tous beaucoup, tout le temps. On
a tous apporté deux ou trois bouquins et on se les échange. On écoute
beaucoup de musique. Quand on en a l'occasion, on joue au basket, on est
tous fans. Comme on passe tous notre temps dans la camionnette, c'est
limité à la lecture ou à écouter de la musique. On dort beaucoup.
C'est très bon pour nous. Et puis, la bouffe c'est assez marrant, c'est
intéressant de goûter de nouveaux plats et tout ça. Nos occupations
c'est un peu tout ça.
OK Dr. Hrasky , quels sont les principaux side-projects du groupe pour
l'instant ?
CHRIS : Aucun d'entre nous n'a de side-project pour l'instant, du
moins musicalement… En fait, c'est comme si on avait signé un contrat.
Tant qu'on joue dans ce groupe on ne fera rien d'autre, pas de
side-projects ou quoi que ce soit d'autre… Et je ne sais pas si on fera
autre chose musicalement après …
MUNAF : Oui, on préfère se concentrer sur le groupe pour
l'instant.
CHRIS : Quels sont les pires et meilleurs moments sur scène dont
vous vous souvenez ?
MUNAF : Hum, elle est vraiment difficile celle-là… Et bien, je
dirais que parfois les pires et meilleurs moments sont les mêmes moments.
Il nous est déjà arrivé que la moitié de la salle s'en aille, comme
une fois où juste Chris et moi étions en train de jouer pendant à peu
près 5 minutes. Sur le moment on se dit : " Mon Dieu mais qu'est-ce
qui se passe ici ? " et en fait après, on se rend compte que pour
nous, c'était le meilleur moment du concert. Je pense qu'en résumé
c'est ça… C'est difficile de choisir les pires et les meilleurs
moments, ils peuvent aussi être bien distincts. Pour ce qui est des
meilleurs moments, et bien, on ne se souvient pas spécialement d'où c'était…
C'est arrivé deux fois je crois… Quand on quitte la scène, waouw, on
se rend compte tous les quatre qu'on a vraiment fait du bon boulot, qu'il
s'est passé quelque chose et… Mais est-ce qu'on sait seulement comment
faire de la musique ?? Voilà, c'est que ça que je résumerais les pires
et meilleurs moments.
Sur scène, vous semblez être très proches les uns des autres, est-ce
que c'est important pour vous ?
MUNAF : Oui, c'est très important, nous sommes vraiment tous de très
bons amis, c'est une chance de pouvoir jouer de la musique ensemble. Cela
fait très longtemps qu'on se connaît. Tiens, par exemple, si Chris et
moi nous disputons toute la journée, même si ça n'a rien à voir avec
la musique, ça va se ressentir si on a un concert ce soir-là. Ce sera
bizarre. Par contre quand on est tous ensemble, qu'on se marre vraiment,
ça a définitivement un impact sur notre musique, et c'est comme ça que
les choses doivent aller, on doit tous être dans le même état d'esprit.
Qu'est-ce que vous préférez : être en tournée, en studio ou composer ?
CHRIS : Euh, je pense que ces trois activités ont un côté
positif et négatif. Je crois que ce qu'on aime le moins c'est
enregistrer. On n'apprécie jamais vraiment ça, on est toujours un peu
tendu… Mais heureusement, ça ne dure pas longtemps, quelques jours et
c'est tout. Pour ce qui est du reste, on a beaucoup tourné ces deux dernières
années et aussi énormément cette année. On aime ça mais bon, parfois,
on a le mal du pays, nos copines nous manquent et nos familles aussi, on
devient un peu triste… En ce qui concerne l'écriture, c'est assez
difficile… Ça nous prend beaucoup de temps, c'est toujours un combat,
c'est assez frustrant, débattre, discuter… Mais quand on finit par
arriver à quelque chose qu'on aime tous les quatre, c'est génial. Enfin,
tout peut se dérouler dans la joie comme cela peut être une sorte
d'agonie. Je ne sais pas vraiment ce que je préfère. Ça dépend des
jours (rires).
Que pensez-vous de cette tournée ?
MUNAF : Cette tournée est assez spéciale parce qu'elle est divisée
en deux. On l'a commencée le 23 janvier. On a tourné pendant six
semaines puis on a eux trois semaines de vacances pendant lesquelles
Chris, Mark (le barbu) et moi sommes rentrés à la maison. On a pu dormir
dans nos lits, voir nos copines. Ça nous a fait du bien. Et là on vient
de repartir, ça fait une semaine, on a encore six semaines à faire.
Jusqu'à maintenant ça s'est très bien passé, on se marre bien et la
fatigue ne se fait pas encore sentir vu qu'on vient de recharger les
batteries. La première partie a vraiment était costaude, on a joué
quasiment tous les jours, ça fait 38 concerts en 44 jours. -Est-ce que
vous vous habituez ? Je ne sais pas si on peut dire qu'on s'y habitue…
CHRIS : On finit par s'épuiser. On a joué 18 fois d'affilée et ça
donne quelque chose comme : rentrer dans la camionnette, conduire, manger
dans un station service, arriver au club, faire le sound check, manger,
jouer, dormir… On a le temps de rien voir, même pas de faire une
ballade. Lors de notre première tournée européenne il y a deux ans, on
avait plus de temps libre, on pouvait visiter des villes, voir des trucs.
On a pas eu cette chance cette fois-ci mais bon c'est notre faute on a
accepté de le faire non ? (rires) Je pense qu'on est en train d'apprendre
ce qui nous convient et ce qui ne nous convient pas. Comme ce festival à
Anvers, on est content de l'avoir fait mais c'est pas notre genre de truc,
je ne sais pas si on le referait. On va essayer d'avoir plus de temps
libre et d'être un peu plus relax la prochaine fois. Mais on est quand même
impatient d'attaquer le mois qui vient et puis le temps sera meilleur, on
ne passe plus autant de temps au Royaume-Uni (rires).
MUNAF : Les titres de vos albums sont vraiment évocateurs (Those
who tell the truth shall die, those who tell the truth shall live forever
; The earth is not a cold dead place), est-ce parce que vous voulez mettre
tous les mots dans les titres ?
CHRIS : Je suppose, oui. On voulait que les titres donnent une idée
de la musique qui va avec. Les titres sont importants pour nous, on passe
assez de temps là-dessus. Il n'y a pas forcément de raison consciente à
cela… On ramène tous des titres possibles et puis on choisi. On se dit
: " Tiens, ce titre là convient bien à la musique. " C'est la
même chose pour les disques et les t-shirts, on y consacre pas mal de
temps. Notre ami Stephen est dans la tente dehors, il s'occupe de notre
merchandising, de l'artwork, on travaille beaucoup avec lui, c'est
vraiment important pour nous. On espère que les titres captent l'essence
de la musique.
Certains disent que votre musique est douce, plutôt que désolée, ce qui
est plus souvent le cas en matière de " postrock ", qu'est-ce
que vous en pensez ?
CHRIS : ça nous fait plaisir. En fait, on ne veut pas toujours écrire
de la musique triste, parce qu'on est pas triste tout le temps ! J'espère
que nos chansons couvrent une gamme plus large d'émotions. Il y a des
chansons plus mélancoliques, d'autres triomphantes, on essaye de ne pas
se cantonner à un seul registre. Simplement parce que je pense que c'est
comme ça que les gens sont, non ? Un jour tu es triste, le lendemain tu
es joyeux. Mais ça me plaît ça… D'autres voient ça comme du "
post-rock apocalyptique " (rires) Et puis c'est facile de dire
post-rock, non ? Ouais (rires) ils disent post-rock et ils imaginent que
ça va être quelque chose de sombre etc. Enfin, c'est vrai que dans ce
qu'on fait il y a des trucs sombres mais bon, on ne veut pas s'étendre
sur le sujet.
Pouvez-vous dire quelques mots à propos de votre label Temporary
Residence ?
CHRIS : Temporary Residence est notre label aux Etats-Unis. En
Europe on est sur Bella Union, un label anglais. Temporary Residence est
dirigé par un gars qui s'appelle Jeremy Devine, probablement le type le
plus sale que tu rencontreras jamais. Il prend peut-être un bain par
mois, quelque chose comme ça. Mais c'est le gars le plus gentil que je
connaisse… Plus tu fais de tournées, plus tu rencontres de gens et plus
tu vois des trucs moches à propos du business de la musique et tout ce
qui tourne autour. Et ça nous préoccupe, après on se demande un peu
dans quoi on s'est mis… Mais lui sait très bien qu'il fait ça parce
qu'il aime ça, il ne produit que des groupes qu'il aime. Il s'en fout si
ils marchent ou pas. Enfin, il veut que ses groupes marchent mais, par
exemple, si on avait vendu 100 ou 200 exemplaires de notre album, il
produirait le prochain, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Il est
vraiment très patient et il travaille très dur. Une bonne partie des
groupes qu'on aime sont sur ce label. C'est un très bon label et Jeremy
est un gars fantastique.
MUNAF : Je pense que Chris a très bien expliqué ça, ça fait 4
ans, presque 5 qu'on est dans la musique et au fil du temps, on rencontre
des trucs qu'on aimerait vraiment ne pas avoir rencontré. Le premier jour
où on a conclu un accord avec Jeremy -on a signé aucun contrat, il a
juste dit qu'il allait produire notre album- on était fou de joie, on
faisait des bonds, on était vraiment emballé par le simple fait de jouer
du rock. Et puis après avec le temps on rencontre des gens etc., enfin je
répète juste ce que Chris a dit… A propos de Jeremy, je crois qu'il a
fallu qu'on vive tout cela pour se rendre compte de combien il est
fantastique et combien il se sent concerné. Il est imbattable. Je crois
que quiconque est sur TR a de la chance d'être sur TR, parce qu'il n'y a
pas grand monde qui s'occupe d'un label de cette manière…
CHRIS : En avril vous allez jouer en France, comptez-vous visiter
quelques endroits d'intérêt et savez vous lesquels ?
MUNAF : Et bien, je pense qu'on va avoir un jour ou deux de
libre… On va jouer à Nantes, on va essayer de visiter la ville. Lors de
notre première tournée européenne, on a pu passé trois jours à Paris,
on a vraiment parcouru toute la ville à pied, de Notre Dame à la Tour
Eiffel en passant par le cimetière, en s'arrêtant dans des pâtisseries,
dans les boutiques à souvenir, ça a été un grand moment pour nous,
j'espère vraiment qu'on pourra réitérer l'expérience. Je ne peux pas
dire ce quel endroit en particulier on aimerait visiter, on voudrait tout
voir…
MUNAF : Et maintenant, quels sont vos artistes favoris ? GO !
CHRIS : Dernièrement on a beaucoup écouté The Shins, c'est un
groupe pop américain, ça marche vraiment bien là-bas, ils sont en train
de se faire un nom, ils sont vraiment excellents. On les a vu jouer au
festival ATP (All Tomorrow's Parties) au Royaume-Uni la semaine passée et
ils nous ont vraiment étonné. Iron and Wine aussi, je pense d'ailleurs
qu'ils seront au festival du Botanique, c'est un gars de Floride qui joue
avec sa sœur et quelques potes, ils sont vraiment étonnants eux aussi.
Siftchin Stephen's qui ressemble à Iron and Wine, Destroyer de Vancouver,
qui d'autres, euh, Pinback, qu'est-ce qu'on a écouté sur cette tournée
? The Shins bon sang ! The Shins et encore The Shins. Ouais, tous ces
groupes là, enfin il y en a plein d'autres mais ces quatre derniers jours
c'est vraiment ceux-là qu'on a écouté.
Merci
Le groupe :
Mark Smith » guitar
Chris Hrasky » drums
Munaf Rayani » guitar
Michael James » bass
'the
earth is not a cold dead place ?'
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